Tout a commencé par de la pluie. Remarquez, dans les Pyrénées Atlantiques, tout commence toujours par de la pluie.
Nous avions réservé un chalet à la Pierre Saint Martin pour la semaine, complètement hors saison. Tellement hors saison que lorsque nous avions appelé le propriétaire, il nous a pris pour des idiots : « Vous savez, en mai, la station est fermée. Tout est fermé en haut, vous n’aurez rien à faire. Vous êtes sûr que vous voulez louer ?« . Oui, on était sûr. On voulait juste un camp de base pour partir rider.
Et effectivement, quand nous sommes arrivés, il n’y avait tellement personne que c’en était flippant, surtout dans le vent et le brouillard : on se serait cru dans une ancienne base soviétique du cercle polaire, celles où ils rangent leurs sous-marins atomiques périmés. Nous avons compté : dans toute la station de la Pierre Saint Martin, il y a avait 4 voitures. Dont 2 à nous. La plus proche supérette ouverte se trouvant à une heure de route, nous avions pris suffisamment de nourriture pour être autonome pendant 10 jours, comme si on envisageait de soutenir un siège.
Et donc, il a commencé à pleuvoir. Trois jours sans interruption. Nous étions merveilleusement bien, au chaud, isolés du monde, dans notre chalet perdu sur les lapiaz de calcaire. Mais nous commencions aussi à ronger notre frein, à défaut d’user ceux des vélos. La météo était désespérante : elle prévoyait les pictogrammes les plus noirs et avec le plus de gouttes. Je crois que Météo France en a même inventé des spéciaux pour cette semaine-là. Mais au matin du troisième jour, nous vîmes le soleil et nous sûmes que cela était bon. Que le freeride soit !
Ni une, ni deux, je dégaine sans hésiter un des itinéraires les plus engagés qu’on avait prévu : le lac de Lhurs. Le plan est simple : on monte jusqu’au lac par le sentier. Portage sur la majeure partie de l’itinéraire. Et après, on voit sur place ce qui nous inspire.
Le lac se trouve à seulement trois kilomètres à vol d’oiseau de la Pierre Saint Martin, mais malheureusement, on n’a pas d’oiseau. On met donc une bonne heure de voiture pour atteindre le départ. Outre la pluie, c’est ça aussi, les Pyrénées Atlantique : des routes minuscules qui zigzaguent aléatoirement, exprès pour faire consommer de l’essence. On s’équipe fébrilement, tendus à l’idée de louper l’éclaircie.
Puis on pénètre progressivement dans le splendide cirque de Lescun. Le sentier louvoie entre les falaises, l’ambiance s’installe. On sent qu’on a choisi le bon spot !
Rapidement, des névés commencent à nous bloquer le passage, tantôt glissants comme de la glace, tantôt tellement mous qu’on s’y enfonce jusqu’au genou. On a peut-être choisi le bon spot, mais on sent qu’on va ramer ! Surtout que j’ai un VTT de DH pas encore complètement allégé, qui pèse un bon 14,7 kg.
Néanmoins ce massif de montagne (le même que celui du célèbre Pic d’Anie) vaut largement l’effort. Les blocs de calcaire prennent partout des formes surnaturelles. Des pics aux formes de dents de requin s’élancent sur les crêtes. De hautes falaises morcellent les pentes, créant de dangereux pièges topographiques pour qui s’éloigne du sentier. Ce qui sera d’ailleurs bientôt notre cas puisque nous voilà arrivés au lac. Depuis le début, nous n’avons croisé strictement personne. Le cirque de Lhurs est tout aussi désert.
Par contre, la météo est en train de changer. Le ciel se voile au-dessus de nous. Vers l’Espagne, ça tourne carrément au noir. Cette année, la météo est folle ; aucun moyen de deviner ce qui nous attend : orage ? pluie diluvienne ? brouillard ? rien du tout ?
Mais on ne s’arrête pas pour autant ; le lac, c’est déjà pas mal, mais au-dessus, ce qui nous attend est bien plus intéressant. Comme je l’avais prévu, il reste exactement la bonne quantité de neige pour rendre très fun les pentes de la face nord du cirque. Un immense terrain de jeu se déploie là, parsemé de gros blocs, de pierriers, de sections neigeuses, de ruptures de pentes, de petits ruisseaux… Les possibilités de lignes sont infinies. Mais il faut faire vite : la chaleur amollit la neige et bientôt, on s’enfoncera jusqu’au pédalier sans plus pouvoir avancer, même dans le sens de la descente.
Dans la montée qui suit, nous ne ressentons même plus la pénibilité de l’effort tant nous sommes captivés par le repérage des lignes que nous allons emprunter à la descente. Il nous faut la plus belle. La plus variée.
Etonnamment, alors que nous atteignons enfin le haut, il ne fait pas froid. Il n’y a pas un souffle de vent. L’atmosphère est lourde. On dirait qu’un orage est sur le point d’éclater mais aucun coup de tonnerre, même lointain, ne se fait entendre. On se sent bien, on n’est même pas fatigués du portage laborieux.
Bilan, tout est parfait : conditions du terrain, condition physique, conditions météorologiques, conditions mentales. Une conjonction fort rare ! Normalement, au moins un des facteurs part en sucette…
Au démarrage de la descente, Dimitri se sent pousser des ailes (pourtant, on n’a pas pris de Red Bull). Il veut d’emblée attaquer par du plus que sérieux. Il avise une grande paroi de calcaire d’une dizaine de mètres de haut, à 50 voire 60 degrés.
Inutile de préciser que le passage n’est pas obligé. Mais quand on parlait de ligne tout à l’heure… Celle-là lui a fait de l’œil. C’est le coup de foudre avec le rocher. J’essaie de l’en dissuader car ce passage conduit obligatoirement à se manger à l’arrivée : la falaise donne sur un névé sans aucune déclivité pour amorcer le freinage. En clair, c’est une chute libre de 10 mètres avec atterrissage violent sur de la neige (et pas de la poudreuse, de la bonne neige de névé tassée). Voyant qu’il semble décidé à l’envoyer, je lui prête mon casque intégral pour l’occasion. Tout cela peut sembler fun et rigolo mais nous sommes tout de même en haute montagne, en plein mois de mai, encore à l’altitude des neiges ; cela fait 4 h qu’on n’a plus croisé un seul être humain ; le téléphone ne passe pas ; il y a plus de 1000 m à descendre ; le mauvais temps est en train de s’installer. On n’est pas en station : une petite clavicule cassée peut très vite tourner au drame.
Je n’ai jamais su si Dimitri pensait réellement pouvoir passer ou s’il se lançait volontairement dans une chute contrôlée. Le fait est qu’il fallait être couillu pour se lancer là dans ces conditions. Autant dire que sur une dalle calcaire à 60°, le freinage du vélo ne change pas grand-chose. Et c’est ainsi que je vois Dimitri prendre de la vitesse pour s’écraser proprement comme le lui ont intimé les 9,81 G de la constante gravitationnelle. Il a néanmoins bien géré la chute en tombant sur le côté. Il serait resté droit, l’entrejambe sur le cadre, on l’aurait entendu hurler jusqu’à la Pierre St Martin.
Après avoir donné des tours de clé à laine sur tout ce qui venait de se dérégler sur son vélo, nous enchaînons une courte partie de l’arête.
Puis nous basculons dans la pente de neige la plus esthétique que nous avions repérée à la montée. Là aussi, c’est du raide. L’attaque est à un bon 45° d’inclinaison. En ski, c’est facile ; en vélo infiniment moins. Surtout dans cette neige molle vicieuse qui se comporte tantôt comme de l’eau, tantôt comme de la farine. Un plat indigeste quoique classique…
Rapidement, on prend le coup de main (ou plutôt, le coup de guidon) et on se met à godiller, comme en ski. La neige assez épaisse permet même de prendre un peu d’angle. On enchaine ainsi plusieurs ressauts, alternant neige, herbe lissée et rochers. Ce sont les changements de terrain qui donnent du fil à retordre.
On apprend vite à faire décoller l’avant et à donner une impulsion pour passer d’un élément à l’autre. Sans cela, vous êtes quasiment assurés d’enfourner la roue dans la neige plus molle de bordure de névé, ce qui a pour conséquence de vous éjecter par-dessus le guidon. Et une fois que vous êtes dans les airs, vous ne pouvez absolument plus maitriser où vous allez atterrir, par exemple sur ce magnifique rocher pointu qui semble avoir été mis là exprès pour moi. Je n’ai malheureusement pas de photo pour immortaliser cet instant, mais je me suis effectivement écrasé de tout mon poids sur un pic rocheux. Pratiquement un pal. Et je remercie du fond du cœur ma combinaison de protection : c’est la première fois que la coque plastique pectorale me sert vraiment à quelque chose. D’ailleurs, je la laissais souvent ouverte. Mais pas là : les dieux du VTT veillaient sur moi.
Je me redresse, persuadé de m’être cassé quelque chose. Mais rien, absolument rien ! Je récupère mon vélo, persuadé qu’un des composants en carbone a du rompre. Mais rien, absolument rien ! Je ressens alors une allégresse brusque et inattendue, un peu la même que celle du chien qui voit son maître aller chercher sa laisse malgré la pluie qui tombe depuis le début de la journée. Inespéré !
On reprend la descente, virant au milieu des splendides chaos de blocs calcaire.
Plus on approche du lac, plus la neige se fait rare et plus les cailloux reprennent le dessus, mettant les fourches à rude épreuve. Il faut dire que toute cette descente ne doit pas être bien praticable en été, sans neige pour lisser les trous entre les rochers.
Le lac est rapidement atteint. Et le plus beau, c’est que la météo se maintient ! On a un ciel gris lourd et parisien, mais la couleur s’accorde bien avec celle des falaises de calcaire. Et cette grisaille n’est pas suffisante pour altérer l’éclat d’un bleu profond du lac de Lhurs.
A partir de là nous retrouvons le sentier, ce qui n’est pas gage de plus de facilité. La section du haut, quasi plate et sinuant à travers l’ex verrou glaciaire, s’apparente à un parcours de trial. A plusieurs reprises, nous devons descendre et pousser. Parce qu’à notre grand regret, nous ne sommes pas trialistes…
Dès que la pente reprend nous pouvons ré-enfourcher nos montures. Le single qui descend sur le côté droit du vallon est technique.
Des plaques de neige disséminées sur les rochers fuyants en rehaussent encore la difficulté. De plus, la chute dans la pente n’est pas conseillée. Bref, c’est le genre de single qu’on aime. On arrive à tout enchainer de haut en bas jusqu’au vallon, même un passage particulièrement osé que Dimitri descend sans hésiter, regrettant au passage de ne pas avoir 200 mm de débattement…
Il est décidément très en forme ! C’est lui qui a le plus petit vélo, c’est lui qui envoie le plus aujourd’hui et c’est moi qui tombe ; la vie est parfois injuste !
Après la traversée du Landrosque, l’itinéraire devient un sentier d’enduro classique, voire même pratiquement de XC. Bref, c’est roulant. Mais voilà un final très agréable après des terrains aussi complexes. Ça permet de relâcher la pression et de se détendre. Ma chaîne, par contre, fait exactement l’inverse et casse. Probablement juste pour nous emm*****. Elle devait être jalouse ; c’est vrai qu’elle n’a pas servi à grand-chose jusque-là…
Au final, cette journée a été vraiment splendide à tous points de vue. Et heureusement, car ce fut la seule de toutes les vacances. Le lendemain, la pluie s’est remise à tomber. Encore plus fort.
A Kyoto, le Iwashimizu Shrine, l’un des plus célèbres sanctuaires du Japon a servi de décor à la 4ème édition du Red Bull Saint Tour, un contest de 4x urbain qui a vu s’affronter sur une piste détrempée les meilleurs riders japonais de la discipline. Résultat : de belles glissades et une vidéo qui prend parfois des allures assez …
Voici le dernier édit de Remy Metailler lors de son voyage au Chili. Valparaiso Urban DH 2015, tout simplement énorme, Remy est désormais passé maitre dans l’art d’engager sur les DH urbaines, il est pas venu là pour acheter du terrain, accrochez-vous ! Credit : Remy Metailler & Photo – Claudio Olguin
Revivez le run victorieux de notre Lolo national aux Championnats du Monde de DH qui se sont déroulés à Cairns, en Australie, le weekend dernier. Bravo Loic !
1001sentiers fête 10 ans comme il se doit avec une superbe vidéo mettant en scène une belle brochette de riders : Nicolas Vouilloz, Olivier Giordanengo, Florian Nicolaï, Dimitri Tordo, Rémy Métailler et Greg Germain. Ces 6 grands noms du VTT azuréens sont réunis pour une descente spectaculaire des Alpes-Maritimes. 1001sentiers.fr
Attention à Lhurs !
Tout a commencé par de la pluie. Remarquez, dans les Pyrénées Atlantiques, tout commence toujours par de la pluie.
Nous avions réservé un chalet à la Pierre Saint Martin pour la semaine, complètement hors saison. Tellement hors saison que lorsque nous avions appelé le propriétaire, il nous a pris pour des idiots : « Vous savez, en mai, la station est fermée. Tout est fermé en haut, vous n’aurez rien à faire. Vous êtes sûr que vous voulez louer ?« . Oui, on était sûr. On voulait juste un camp de base pour partir rider.
Et effectivement, quand nous sommes arrivés, il n’y avait tellement personne que c’en était flippant, surtout dans le vent et le brouillard : on se serait cru dans une ancienne base soviétique du cercle polaire, celles où ils rangent leurs sous-marins atomiques périmés. Nous avons compté : dans toute la station de la Pierre Saint Martin, il y a avait 4 voitures. Dont 2 à nous. La plus proche supérette ouverte se trouvant à une heure de route, nous avions pris suffisamment de nourriture pour être autonome pendant 10 jours, comme si on envisageait de soutenir un siège.
Et donc, il a commencé à pleuvoir. Trois jours sans interruption. Nous étions merveilleusement bien, au chaud, isolés du monde, dans notre chalet perdu sur les lapiaz de calcaire. Mais nous commencions aussi à ronger notre frein, à défaut d’user ceux des vélos. La météo était désespérante : elle prévoyait les pictogrammes les plus noirs et avec le plus de gouttes. Je crois que Météo France en a même inventé des spéciaux pour cette semaine-là. Mais au matin du troisième jour, nous vîmes le soleil et nous sûmes que cela était bon. Que le freeride soit !
Ni une, ni deux, je dégaine sans hésiter un des itinéraires les plus engagés qu’on avait prévu : le lac de Lhurs. Le plan est simple : on monte jusqu’au lac par le sentier. Portage sur la majeure partie de l’itinéraire. Et après, on voit sur place ce qui nous inspire.
Le lac se trouve à seulement trois kilomètres à vol d’oiseau de la Pierre Saint Martin, mais malheureusement, on n’a pas d’oiseau. On met donc une bonne heure de voiture pour atteindre le départ. Outre la pluie, c’est ça aussi, les Pyrénées Atlantique : des routes minuscules qui zigzaguent aléatoirement, exprès pour faire consommer de l’essence. On s’équipe fébrilement, tendus à l’idée de louper l’éclaircie.
Puis on pénètre progressivement dans le splendide cirque de Lescun. Le sentier louvoie entre les falaises, l’ambiance s’installe. On sent qu’on a choisi le bon spot !
Rapidement, des névés commencent à nous bloquer le passage, tantôt glissants comme de la glace, tantôt tellement mous qu’on s’y enfonce jusqu’au genou. On a peut-être choisi le bon spot, mais on sent qu’on va ramer ! Surtout que j’ai un VTT de DH pas encore complètement allégé, qui pèse un bon 14,7 kg.
Néanmoins ce massif de montagne (le même que celui du célèbre Pic d’Anie) vaut largement l’effort. Les blocs de calcaire prennent partout des formes surnaturelles. Des pics aux formes de dents de requin s’élancent sur les crêtes. De hautes falaises morcellent les pentes, créant de dangereux pièges topographiques pour qui s’éloigne du sentier. Ce qui sera d’ailleurs bientôt notre cas puisque nous voilà arrivés au lac. Depuis le début, nous n’avons croisé strictement personne. Le cirque de Lhurs est tout aussi désert.
Par contre, la météo est en train de changer. Le ciel se voile au-dessus de nous. Vers l’Espagne, ça tourne carrément au noir. Cette année, la météo est folle ; aucun moyen de deviner ce qui nous attend : orage ? pluie diluvienne ? brouillard ? rien du tout ?
Mais on ne s’arrête pas pour autant ; le lac, c’est déjà pas mal, mais au-dessus, ce qui nous attend est bien plus intéressant. Comme je l’avais prévu, il reste exactement la bonne quantité de neige pour rendre très fun les pentes de la face nord du cirque. Un immense terrain de jeu se déploie là, parsemé de gros blocs, de pierriers, de sections neigeuses, de ruptures de pentes, de petits ruisseaux… Les possibilités de lignes sont infinies. Mais il faut faire vite : la chaleur amollit la neige et bientôt, on s’enfoncera jusqu’au pédalier sans plus pouvoir avancer, même dans le sens de la descente.
Dans la montée qui suit, nous ne ressentons même plus la pénibilité de l’effort tant nous sommes captivés par le repérage des lignes que nous allons emprunter à la descente. Il nous faut la plus belle. La plus variée.
Etonnamment, alors que nous atteignons enfin le haut, il ne fait pas froid. Il n’y a pas un souffle de vent. L’atmosphère est lourde. On dirait qu’un orage est sur le point d’éclater mais aucun coup de tonnerre, même lointain, ne se fait entendre. On se sent bien, on n’est même pas fatigués du portage laborieux.
Bilan, tout est parfait : conditions du terrain, condition physique, conditions météorologiques, conditions mentales. Une conjonction fort rare ! Normalement, au moins un des facteurs part en sucette…
Au démarrage de la descente, Dimitri se sent pousser des ailes (pourtant, on n’a pas pris de Red Bull). Il veut d’emblée attaquer par du plus que sérieux. Il avise une grande paroi de calcaire d’une dizaine de mètres de haut, à 50 voire 60 degrés.
Inutile de préciser que le passage n’est pas obligé. Mais quand on parlait de ligne tout à l’heure… Celle-là lui a fait de l’œil. C’est le coup de foudre avec le rocher. J’essaie de l’en dissuader car ce passage conduit obligatoirement à se manger à l’arrivée : la falaise donne sur un névé sans aucune déclivité pour amorcer le freinage. En clair, c’est une chute libre de 10 mètres avec atterrissage violent sur de la neige (et pas de la poudreuse, de la bonne neige de névé tassée). Voyant qu’il semble décidé à l’envoyer, je lui prête mon casque intégral pour l’occasion. Tout cela peut sembler fun et rigolo mais nous sommes tout de même en haute montagne, en plein mois de mai, encore à l’altitude des neiges ; cela fait 4 h qu’on n’a plus croisé un seul être humain ; le téléphone ne passe pas ; il y a plus de 1000 m à descendre ; le mauvais temps est en train de s’installer. On n’est pas en station : une petite clavicule cassée peut très vite tourner au drame.
Je n’ai jamais su si Dimitri pensait réellement pouvoir passer ou s’il se lançait volontairement dans une chute contrôlée. Le fait est qu’il fallait être couillu pour se lancer là dans ces conditions. Autant dire que sur une dalle calcaire à 60°, le freinage du vélo ne change pas grand-chose. Et c’est ainsi que je vois Dimitri prendre de la vitesse pour s’écraser proprement comme le lui ont intimé les 9,81 G de la constante gravitationnelle. Il a néanmoins bien géré la chute en tombant sur le côté. Il serait resté droit, l’entrejambe sur le cadre, on l’aurait entendu hurler jusqu’à la Pierre St Martin.
Après avoir donné des tours de clé à laine sur tout ce qui venait de se dérégler sur son vélo, nous enchaînons une courte partie de l’arête.
Puis nous basculons dans la pente de neige la plus esthétique que nous avions repérée à la montée. Là aussi, c’est du raide. L’attaque est à un bon 45° d’inclinaison. En ski, c’est facile ; en vélo infiniment moins. Surtout dans cette neige molle vicieuse qui se comporte tantôt comme de l’eau, tantôt comme de la farine. Un plat indigeste quoique classique…
Rapidement, on prend le coup de main (ou plutôt, le coup de guidon) et on se met à godiller, comme en ski. La neige assez épaisse permet même de prendre un peu d’angle. On enchaine ainsi plusieurs ressauts, alternant neige, herbe lissée et rochers. Ce sont les changements de terrain qui donnent du fil à retordre.
On apprend vite à faire décoller l’avant et à donner une impulsion pour passer d’un élément à l’autre. Sans cela, vous êtes quasiment assurés d’enfourner la roue dans la neige plus molle de bordure de névé, ce qui a pour conséquence de vous éjecter par-dessus le guidon. Et une fois que vous êtes dans les airs, vous ne pouvez absolument plus maitriser où vous allez atterrir, par exemple sur ce magnifique rocher pointu qui semble avoir été mis là exprès pour moi. Je n’ai malheureusement pas de photo pour immortaliser cet instant, mais je me suis effectivement écrasé de tout mon poids sur un pic rocheux. Pratiquement un pal. Et je remercie du fond du cœur ma combinaison de protection : c’est la première fois que la coque plastique pectorale me sert vraiment à quelque chose. D’ailleurs, je la laissais souvent ouverte. Mais pas là : les dieux du VTT veillaient sur moi.
Je me redresse, persuadé de m’être cassé quelque chose. Mais rien, absolument rien ! Je récupère mon vélo, persuadé qu’un des composants en carbone a du rompre. Mais rien, absolument rien ! Je ressens alors une allégresse brusque et inattendue, un peu la même que celle du chien qui voit son maître aller chercher sa laisse malgré la pluie qui tombe depuis le début de la journée. Inespéré !
On reprend la descente, virant au milieu des splendides chaos de blocs calcaire.
Plus on approche du lac, plus la neige se fait rare et plus les cailloux reprennent le dessus, mettant les fourches à rude épreuve. Il faut dire que toute cette descente ne doit pas être bien praticable en été, sans neige pour lisser les trous entre les rochers.
Le lac est rapidement atteint. Et le plus beau, c’est que la météo se maintient ! On a un ciel gris lourd et parisien, mais la couleur s’accorde bien avec celle des falaises de calcaire. Et cette grisaille n’est pas suffisante pour altérer l’éclat d’un bleu profond du lac de Lhurs.
A partir de là nous retrouvons le sentier, ce qui n’est pas gage de plus de facilité. La section du haut, quasi plate et sinuant à travers l’ex verrou glaciaire, s’apparente à un parcours de trial. A plusieurs reprises, nous devons descendre et pousser. Parce qu’à notre grand regret, nous ne sommes pas trialistes…
Dès que la pente reprend nous pouvons ré-enfourcher nos montures. Le single qui descend sur le côté droit du vallon est technique.
Des plaques de neige disséminées sur les rochers fuyants en rehaussent encore la difficulté. De plus, la chute dans la pente n’est pas conseillée. Bref, c’est le genre de single qu’on aime. On arrive à tout enchainer de haut en bas jusqu’au vallon, même un passage particulièrement osé que Dimitri descend sans hésiter, regrettant au passage de ne pas avoir 200 mm de débattement…
Il est décidément très en forme ! C’est lui qui a le plus petit vélo, c’est lui qui envoie le plus aujourd’hui et c’est moi qui tombe ; la vie est parfois injuste !
Après la traversée du Landrosque, l’itinéraire devient un sentier d’enduro classique, voire même pratiquement de XC. Bref, c’est roulant. Mais voilà un final très agréable après des terrains aussi complexes. Ça permet de relâcher la pression et de se détendre. Ma chaîne, par contre, fait exactement l’inverse et casse. Probablement juste pour nous emm*****. Elle devait être jalouse ; c’est vrai qu’elle n’a pas servi à grand-chose jusque-là…
Au final, cette journée a été vraiment splendide à tous points de vue. Et heureusement, car ce fut la seule de toutes les vacances. Le lendemain, la pluie s’est remise à tomber. Encore plus fort.
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